ANI : que va devenir la Sécu si personne ne la défend ?
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Question posée par Frédéric Pierru, sociologue, interviewé pour Viva en novembre dernier. Il s’étonne que personne ne fasse le lien entre la généralisation de la mutuelle entreprise instituée par l’Accord National Interentreprise (ANI) en ce début 2016 et la remise en cause de la Protection sociale universelle. Et que personne ne réagisse.
L’article de Frédéric Pierru pose bien le débat.
Il y avait en France une Sécurité sociale universelle et solidaire, avec un système prenant en charge à 100% les plus malades mais aussi les plus pauvres par la CMUc, et l’AME pour les personnes en situation irrégulière (qui sont les plus précaires).
Aujourd’hui, la Sécu a 70 ans, personne n’en parle, et elle ne rembourse plus que la moitié des frais de santé, le reste est à la charge des patients, soit tel quel, soit par le biais de cotisations à des assurances complémentaires, ravies de se partager ce juteux marché. Le système est de plus en plus inégalitaire : sont bien pris en charge les plus riches (ceux qui peuvent se payer une assurance complémentaire coûteuse), les plus jeunes et les moins malades (puisque l’on cotise à ces assurances selon son âge et son risque).
En 2016, on annonce comme un progrès la généralisation de la mutuelle entreprise, et on entend tous les jours dans les médias les publicités des différentes assurances qui cherchent à être choisies par les entreprises, pour "rendre service" à leurs salariés.
Pierre Volovitch, que nous avons rencontré le 20 novembre, nous a mis en garde depuis longtemps contre ce système, particulièrement inégalitaire. Ce vendredi soir-là, il nous a expliqué comment les syndicats ont accepté cet accord pour éviter des baisses de salaire et sans se poser la question des exclus du système.
Car si ceux qui travaillent auront une part de leur complémentaire -dont ils devront changer, pour prendre celle choisie par leur entreprise (sur quels critères ?)- payée par l’employeur, qu’adviendra-t-il de ceux qui ne travaillent pas ? les retraités, les chômeurs, les intérimaires entre deux missions, les intermittents du spectacle etc.
Ce système, outre qu’il fait semblant de servir les salariés alors qu’il va s’accompagner de la perte d’autres avantages (pas d’augmentation de salaire, parallèlement à une diminution des pensions de retraite etc), est terriblement inégalitaire et complètement en contradiction avec une protection sociale universelle la même pour tous. Il ressemble à ce qui se passe en Allemagne, ou aux Etats-Unis avant l’Obamacare : ceux qui ont une "bonne mutuelle" d’entreprise sont bien pris en charge, d’autres beaucoup moins bien, certains pas du tout et renoncent aux soins. Et ceux qui sont plus âgés ou plus malades payent beaucoup plus que les jeunes et bien portants. Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade, c’est bien connu...
Comment tout le monde tombe-t-il dans le piège et oublie de se révolter contre une perte de droits qui touche les plus vulnérables et qui remet en cause la protection solidaire dont les Français bénéficient et se vantent depuis 70 ans ?
Un autre piège dont il faudra discuter : le projet de "Protection universelle Maladie" ou PUMa, prévue dans le Plan de Financement de la Sécurité Sociale qui pourrait bien exclure les étrangers de la protection sociale
- P.Volovitch : Le mensonge de la "complémentaire pour tous"Pratiques n°36 - 2007
- P.Volovitch : Complémentaires, une couverture inégalitaire, Pratiques n°54 - 2011
- SMG : Complémentaire santé d’entreprise : un marché de dupes et un coup porté à la solidariré
- Le compte-rendu de la soirée avec Pierre Volovitch le 20 novembre sera bientôt disponible dans cette rubrique
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